Femme, séniore et fin de carrière ne riment pas toujours avec mise à l’écart ou pantouflage ! À près de 60 ans, dont plus de 20 ans à l’Afnic, j’ai vécu une toute nouvelle expérience professionnelle passionnante à quelques années de la retraite en partant travailler 2 ans à l’ANSSI.
L’approche du cap de la soixantaine dans le monde du travail apporte son lot de questionnements. L’événement déclencheur a été pour moi un courrier envoyé automatiquement par la Caisse de retraite. J’ai alors pris conscience qu’il me restait moins de temps « sur le marché de l’emploi » que la durée cumulée de mes 3 derniers projets !
En 2015, alors que je travaille sur le SMSI (système de management de la sécurité de l’information) de l’Afnic, hasard d’une rencontre professionnelle : je fais la connaissance d’une personne qui me comprend quand je parle processus, systémique, organisation dans un contexte de sécurité !
Cette personne rejoint l’ANSSI et nous gardons le contact. La volonté d’être dans une démarche permanente d’amélioration continue résonne avec l’expérience acquise dans mon parcours, ainsi qu’avec la maturité de l’Afnic sur ces questions. Bref j’ai une compétence qui pourrait leur être utile. Je rencontre alors celle qui sera ma future responsable, l’accroche est immédiate !
Une belle opportunité qui fait aussi écho à mon envie de transmettre mes connaissances et mon expertise…
Comment répondre au besoin de compétence d’un autre employeur et à mon souhait de m’enrichir et d’apprendre encore d’occasions professionnelles à ce stade de mon parcours ? Alors directrice Excellence Sécurité et Communication à l’Afnic, j’utilise par « déformation professionnelle » les outils et les méthodes Qualité, les principes d’amélioration continue à mon propre cas : mode projet, analyse de risques (à rester, à changer d’emploi, pourquoi, comment…), analyse des scénarios (avantages/inconvénients, perso/pro …).
Après avoir étudié les différentes possibilités (congé sabbatique, congé sans solde), j’ai évoqué mon souhait d’évolution avec mon employeur. J’ai été écoutée. La DRH m’a alors proposé un dispositif qui m’était alors inconnu : la MVS.
La solution : la mobilité volontaire sécurisée
La mobilité volontaire sécurisée permet au salarié d’exercer une activité dans une autre entreprise tout en gardant la possibilité, pendant une certaine durée, de revenir dans son entreprise d’origine. Et ce, pas nécessairement en fin de parcours « pro ».
Ce dispositif est habituellement « réservé » aux structures de plus de 300 salariés. Cela n’a pas arrêté l’Afnic, association à but non lucratif de 90 salariés, qui a été partante pour explorer avec moi ce dispositif qui n’avait encore jamais été mis en place dans l’Association. J’ai apprécié de pouvoir ainsi défricher une nouvelle voie, qui pourrait bénéficier à d’autres collègues.
L’accueil et l’écoute des différentes parties prenantes (direction et DRH des 2 organisations, l’Afnic et l’ANSSI, l’agence qui allait m’accueillir) m’ont permis de confirmer cette opportunité. Mes collègues du comité de direction, mes co-équipiers, mes futures responsables à l’ANSSI et plus largement les Afniciens ont aussi participé à la réussite de cette transition.
Sortir de sa zone de confort
Alors que cela devenait tangible, j’ai traversé une période de montagnes russes émotionnelles. Je passais d’un état d’excitation :«J’y vais », à l’envie de rester dans un univers connu et qui restait motivant. Puis je retombais dans la frustration de me dire « Je ne saurai jamais si je n’y vais pas ». Puis de nouveau l’angoisse du lendemain : « Si je franchis le pas et que ça ne marche pas …59 ans quand même … Pourquoi prendre un tel risque ? ».
En effet, la MVS est un dispositif présentant une certaine sécurité mais elle ne protège pas de tout. La possibilité de revenir au sein de mon organisation initiale était là, je savais toutefois que je ne retrouverai à mon retour ni mon poste, ni ma place au sein du Comité de Direction, ni potentiellement le même métier. Cela exigeait donc un vrai choix et une préparation mentale sur les conséquences pour pouvoir mieux les vivre. Et surtout, il fallait s’affranchir aussi des considérations pratiques et des conditionnements sur les « seniors ».
L’envie d’oser et de montrer qu’une autre voie est là et que la QVT (qualité de vie au travail) n’est pas qu’un concept ont été plus forts et je me suis lancée.
En route vers l’ANSSI
Un tel départ s’anticipe et se prépare minutieusement. La date de bascule a été pour moi le 15 mars 2021. L’ANSSI m’a laissée le temps pour prévenir, accompagner la transition, ranger et classer 20 ans de parcours !
J’ai donc intégré l’Agence au printemps 2021. L’ANSSI est l’Agence nationale de la sécurité et systèmes d’information, elle assure la mission d’autorité nationale en matière de cyberdéfense et de sécurité des systèmes d’information.
Arrivée en pleine période de la crise COVID, j’ai ouvert une nouvelle page : télétravail, nouvelles personnes, nouveaux métiers, nouvelles pratiques avec le sentiment de continuer à servir la France et d’en être l’un des petits rouages.
Revenir ou pas ?
La mission que l’ANSSI m’avait confiée a été à la hauteur de ce que l’on m’avait promis et j’en repars avec le sentiment d’avoir apporté ma pierre à l’édifice. Si un retour à l’Afnic était possible grâce au dispositif de la MVS, ce n’était pas inscrit dans le marbre. J’aurais pu choisir de partir définitivement de l’Afnic après une expérience positive à l’ANSSI et d’y envisager la fin de mon parcours, ayant trouvé des personnes, des métiers, des sujets vraiment agréables, motivants et gratifiants.
Mais l’envie de boucler la boucle à l’Afnic et la teneur de la mission que l’on me proposait ont fait la différence. Le sujet me tenait à cœur : depuis janvier 2023, je travaille sur le SMI/KM (à savoir le système de management intégré et le knowledge management).
Après près de deux ans à l’ANSSI, je suis donc de retour à l’Afnic depuis janvier 2023. Ma réintégration s’est très bien passée et l’accueil a été chaleureux. Mon bureau parsemé de post-it et de messages de bienvenue m’a ravie. Neuf mois après, ils sont toujours là d’ailleurs.
Retour sur expérience positif
J’ai assurément eu la chance de bénéficier de facteurs favorables et d’encouragements, mais j’ai été aussi l’artisane de cette réussite grâce à un temps de réflexion « sans contraintes » pour préparer et anticiper. J’ai eu l’immense joie de pouvoir valoriser un capital d’expérience et de savoirs pendant 2 ans et prendre plaisir de traverser Paris en vélo pour me rendre au travail !