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République numérique : Ceci n’est pas une consultation publique

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Le 02/10/2015

Visuel - République numérique

 

Samedi dernier, le Premier ministre lançait, avec Axelle Lemaire, Secrétaire d’État chargée du Numérique, la première expérience de co-construction d’un projet de Loi par les citoyens. La fameuse Loi Numérique, souvent décrite comme un serpent de mer, souvent décriée aussi, soit parce qu’elle n’était pas utile et vide, soit parce qu’elle devait avoir des impacts imprévisibles et lourds (il faudrait savoir) se retrouvait, dans son plus simple appareil, si j’ose dire, mise en ligne avant sa présentation au Conseil des ministres.

Sur la forme c’est une première, qu’il convient de saluer, et ce pour trois raisons au moins :

  • Le projet de Loi qu’on trouve sur https://www.republique-numerique.fr s’inscrit dans la continuité de la (déjà) innovante consultation menée par le CNNum : https://cnnumerique.fr/contribuer et à laquelle l’Afnic avait contribué. Les promesses faites à l’époque d’une Loi dont l’élaboration serait aussi interactive que possible ont donc été tenues.
  • Les outils fournis aux citoyens-internautes pour qu’ils puissent contribuer, amender, proposer, sont simple d’usage, et la Loi est présentée par un exposé des motifs qui, s’il peut toujours soulever des questions d’interprétation, est clair et découpé, article par article. La volonté d’ouvrir à une participation large n’est donc pas ici une posture, et cette volonté se donne les moyens de ses ambitions.
  • Les contributions de tous étant visibles en ligne, cette méthode participative a également la vertu de la transparence. Si l’ensemble des lobbys voulaient bien se donner la peine de participer à cet exercice, ils pourraient d’ailleurs démontrer publiquement que leur apport est souvent utile, et leurs analyses souvent fouillées. Cela redorerait leur blason vis-à-vis de l’opinion, et permettrait, en quelque sorte, une pédagogie de l’élaboration de la Loi. Le dispositif mis en place par Axelle Lemaire permet cela en tous cas, et c’est un vrai pas en avant dans le domaine de la transparence publique.

Alors, bien sûr, on pourrait imaginer quelques améliorations dans le dispositif, pour les prochaines fois (car j’espère bien qu’il y aura des prochaines fois, et pas uniquement pour la Loi Numérique). Mais je ne vais pas bouder mon plaisir, tant l’approche correspond, au fond, à l’approche multi-acteurs que l’Afnic défend depuis sa création.

 

Voici cependant deux suggestions concernant la forme :

  • Une Loi comprenant presque systématiquement des modifications des Lois antérieures, des liens renvoyant vers ces Lois pourraient faciliter le travail des lecteurs curieux de savoir ce qui, exactement, est modifié.
  • Une animation des débats pourrait être organisée, en proposant par exemple à des citoyens d’accepter ce rôle pour chacun des articles. Qui dit animation ne dit pas modération, il s’agirait surtout de proposer des réponses aux internautes qui posent des questions, avant que la consultation ne soit close.

Sur le fond, de nombreuses propositions dans ce texte rejoignent des préoccupations de l’Afnic

Je voudrais ici en pointer les principales :

  • L’extension du domaine de l’open data

La (future) Loi consacre l’obligation de permettre un accès et une réutilisation non restreintes techniquement (parce que les formats doivent être interopérables au minimum) des données produites par les organismes publics, ou en charge d’une mission de service public. L’Afnic, qui produit et traite de la donnée, et qui est investie d’une mission de service public en tant qu’office d’enregistrement du .fr, ne peut que soutenir cette approche, et surtout sa systématisation. Hier encore, en Comité de concertation de notre association, nous élaborions avec les utilisateurs et les bureaux d’enregistrement de l’Afnic la politique de publication du Whois en open data.

La (future) Loi rappelle à juste titre que les données personnelles, même collectées par des organismes publics, ne sauraient se retrouver publiées et accessibles à tous. Cependant, et nous le voyons bien à l’Afnic en ce moment, quand il s’agit de décider si une donnée peut contribuer directement ou indirectement à l’identification d’une personne, l’exercice est parfois ardu. Surtout quand il s’agit de publier des jeux de données dans l’optique que ces dernières soient croisées dans tous les sens et par tout le monde. Pour aider les organismes visés par la Loi à remplir leurs obligations, on pourrait donc imaginer que la CNIL puisse « certifier » ou au moins conseiller ces organismes avant publication en open data de ces jeux de données.

  • Neutralité du net et portabilité des données

En consacrant et en définissant la neutralité de l’Internet, la (future) Loi représente une occasion historique de recadrer ce débat, et de le sortir des positions dogmatiques ou totalement intéressées économiquement qui en font un serpent de mer depuis des années. En conférant à l’Arcep le rôle de vérifier que cette neutralité est bel et bien respectée, on replace les enjeux de la neutralité dans la perspective du droit de la concurrence et de la lutte contre les abus de position dominante, mais également dans celle du droit des consommateurs. C’est probablement à travers ces deux approches (concurrence et consommation) qu’on fera le mieux respecter cette neutralité de l’Internet.

Concernant la portabilité des données et l’affirmation du principe fort que l’utilisateur d’un service Internet doit être, en toute circonstance, à même de décider de qu’il veut faire des données et informations qu’il y a déposées ou produites, il s’agit là d’une grande avancée.

L’Afnic a défendu cette idée dès ses origines. C’est même un argument fort pour nous quand nous déclinons les avantages du .fr : maitriser son identité numérique (par exemple à travers son courrier électronique) en étant en capacité de changer d’opérateur sans changer d’identité.

Le fait que ces nouveaux droits s’appliquent non seulement aux services de courrier électronique, mais également aux plateformes et réseaux sociaux, est une bonne nouvelle.

A ce propos, il serait peut être intéressant, pour éviter que des services concurrents ne puissent s’accuser mutuellement d’être les responsables d’un non transfert de données entre eux (incompatibilité technique, absence d’interopérabilité…) de proposer, en cas de besoin, l’intervention de tiers de confiances (aux frais des fournisseurs qui ne pourraient s’entendre sur le transfert de données).

 

Enfin, deux éléments me semblent pouvoir être rajoutés à cette Loi.

Concernant la couverture numérique, et alors que ce texte propose, dans bien des cas, de renforcer les pouvoirs de l’Arcep, il me semble que mention devrait être faite d’un objectif contraignant de déploiement de l’IPv6 par les opérateurs. La France est encore en retard dans ce domaine, essentiel pour développer les réseaux, comme le montre d’ailleurs très bien le dernier rapport de l’observatoire de la résilience de l’Internet français.

Et pour boucler la boucle, dans cette Loi Numérique, ne pourrait-on pas insérer un article indiquant que tout projet de Loi pouvant modifier le Code des postes de communications électroniques, les deux Lois de 1978 (relations avec l’administration et informatique et liberté) ou encore le Code de la consommation devra être soumis aux contributions et commentaires des internautes au minimum 6 semaines avant sa présentation, à travers un dispositif en ligne et collaboratif ?

En attendant que cette belle initiative de co-construction de la Loi ne se généralise, vous pouvez, tout comme l’Afnic, contribuer sur cette proposition de Loi précise en vous rendant sur https://www.republique-numerique.fr/

 

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