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Abus sur Internet, mais que fait l’Afnic ?

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Le 14/05/2021

Notre extension nationale, le « .fr », est en forte croissance depuis plusieurs années. Elle a dépassé les 3,7 millions d’enregistrements et est perçue à juste titre par les TPE et les PME françaises comme un outil majeur de leur transformation numérique.

Avec reussir-en.fr et en partenariat avec l’ensemble des bureaux d’enregistrement qui distribuent, configurent et rendent directement opérationnel le .fr pour les utilisateurs finaux, l’Afnic fait bien plus que « gérer et développer le domaine internet de premier niveau .fr », au titre de sa mission de service public. Elle travaille à le faire connaitre, le rendre pertinent et utile pour renforcer la souveraineté numérique française, mais aussi pour proposer un choix éclairé et conscient aux utilisateurs européens ainsi qu’une alternative crédible et solidaire au « tout plateforme ».

Rappelons d’ailleurs que 90% des bénéfices de son activité d’office d’enregistrement du .fr sont reversés par l’Afnic à la Fondation Afnic pour la solidarité numérique.

Mais quel rapport, nous direz-vous, avec le titre de ce blog et avec les abus ?

C’est que, comme toute activité humaine, la gestion et la création de noms de domaine, qui a des avantages et une plus-value que nous avons rapidement présentés plus haut, a également des inconvénients.

On pourrait le dire autrement.

Toute activité humaine produit des déchets. Dans les services qui nous concernent, cette pollution résiduelle se nomme abus, et l’une des missions de l’Afnic est de lutter contre.

Quels sont ces abus ?

Comme l’a montré le cycle de conférences et de concertations que nous avons menées en 2020 sur le thème des abus sur internet, ces problèmes sont de toute nature et touchent de nombreux acteurs très différents de l’écosystème numérique : hébergeurs, fournisseurs d’accès, éditeurs, registres internet etc..

La gravité de ces abus varie considérablement d’une situation à une autre puisqu’on y retrouve par exemple, la problématique de l’éligibilité d’un titulaire de nom de domaine (qui n’avait pas réalisé qu’il n’était pas éligible au .fr parce qu’il vivait en dehors du territoire de l’Union européenne) mais aussi des abus bien plus graves impliquant des noms de domaine pointant vers des contenus haineux, de la pédopornographie, ou encore des escroqueries majeures.

Face à la diversité de ces situations, le législateur a de longue date mis en place un arsenal législatif assez fourni à travers des lois portant précisément sur le numérique (la LCEN en est le meilleur exemple) ou dans d’autres textes, en proposant une régulation des acteurs et la définition de nouveaux crimes, délits ou contraventions (lois anti-terroristes, lois de protection des œuvres culturelles, lois de protection des consommateurs, lois renforçant la sécurité des infrastructures essentielles, lois touchant à la liberté de la presse, et d’autres encore).

En ce qui concerne les noms de domaine, la référence législative incontournable est l’article L. 45 du code des postes et communications électroniques (CPCE).

Cet article est particulièrement important puisqu’il est le fruit d’une censure du conseil constitutionnel du précédent encadrement législatif des noms de domaine, et de nombreux avis du Conseil d’Etat sur le même sujet.

La France est ainsi un des rares pays au monde à avoir consacré le nom de domaine comme un outil de la liberté d’expression et de la liberté d’entreprendre, tout en ayant fixé clairement les limites de son utilisation.

En effet, l’article L. 45 du CPCE décrit précisément la manière de caractériser les atteintes à tout droit constitué (dont les droits de propriété intellectuelle et de la personnalité), à des droits garantis par la loi, ou encore à l’identité des services publics nationaux et territoriaux.

C’est donc dans ce cadre que l’Afnic inscrit son action.

Alors concrètement, que fait-on ?

Tout d’abord, la loi rappelle que :

« Les noms de domaine sont attribués et gérés dans l’intérêt général selon des règles non discriminatoires et transparentes, garantissant le respect de la liberté de communication, de la liberté d’entreprendre et des droits de propriété intellectuelle. » [1]

C’est la base.

Mais dans quel cas un nom de domaine est-il considéré comme problématique ?

Pour répondre à cette question, la loi précise les conditions dans lesquelles l’Afnic peut être saisie d’un litige dans le cadre d’une procédure extrajudiciaire de résolution des litiges.

Selon les dispositions de l’article L.45-6 du même CPCE, « toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander à l’office d’enregistrement compétent la suppression ou le transfert à son profit d’un nom de domaine lorsque le nom de domaine entre dans les cas prévus à l’article L. 45-2 ».

Et un nom de domaine entre dans ces cas lorsqu’il est :

– Susceptible de porter atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ou à des droits garantis par la Constitution ou par la loi ; ou

– Susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le titulaire du nom de domaine justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi ; ou

–  Identique ou apparenté au nom de la République française, d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales ou d’une institution ou service public national ou local, sauf si la encore, le titulaire justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi.[2]

Pour nous aider à déterminer si l’on entre dans l’un de ces cas, le législateur fournit des clés permettant de qualifier chaque situation : comment, pour chaque nom de domaine litigieux, déterminer l’atteinte aux droits invoqués, la mauvaise foi et l’absence d’intérêt légitime du titulaire du nom de domaine.

L’Afnic gère donc des procédures de résolution des litiges, mais quand il s’agit de litiges portant sur des contenus dont il faudrait interpréter finement le caractère contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, on comprendra aisément qu’il lui sera difficile de se substituer au juge compétent en la matière.

Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est qu’il est extrêmement rare qu’un nom de domaine, sans lien avec aucun contenu associé, soit en lui-même illicite. Penser que tout abus peut s’expliquer par un nom de domaine qui aurait été a priori illicite reviendrait à vouloir purger le dictionnaire de certains mots sous prétexte qu’ils pourraient être associés entre eux pour former une phrase condamnable. On perçoit immédiatement quelles seraient les dérives possibles…

Et le cadre juridique que nous venons de vous présenter permet justement d’éviter ces dérives. C’est ce qui différencie l’Afnic, en tant qu’office d’enregistrement du .fr, d’une plateforme privée. Ce ne sont pas des CGU que nous appliquons et que nous pourrions faire évoluer à notre guise comme un contrat de droit privé, c’est la Loi et la Charte de nommage du .fr qui en garantit l’application.

C’est précisément dans ce cadre, que l’Afnic peut alors agir rapidement dans un cas d’usurpation d’identité d’une personne physique lors de l’enregistrement d’un nom de domaine, ou encore pour vérifier les coordonnées d’un titulaire de nom de domaine qui paraissent fantaisistes.

Le .fr, un espace de confiance et de liberté.

Chaque jour, l’Afnic lutte résolument contre les abus pour en limiter les conséquences qui se font toujours aux dépens d’autrui, mais aussi pour maintenir l’espace de confiance que le .fr a toujours offert depuis sa création.

Cela se fait dans le respect des libertés fondamentales et en restant attentifs à ce qu’on ne confonde pas les problèmes liés aux contenus des sites web à ceux relevant des noms de domaine eux-mêmes. Le nom de domaine, est un outil indispensable de la présence en ligne. Par son blocage ou sa suppression, il est possible de faire cesser une infraction. Mais ce n’est pas parce qu’il est une solution technique à la lutte contre les abus qu’il porte en lui-même l’abus.

Ces distinctions sont importantes pour bien cerner sa nature juridique et être plus efficace dans la lutte contre les abus en ligne.

 

Quelques ressources utiles :

https://www.afnic.fr/noms-de-domaine/tout-savoir/

https://www.afnic.fr/observatoire-ressources/actualites/lafnic-lance-un-grand-cycle-de-debats-portant-sur-la-lutte-contre-les-abus-en-ligne/

 

 

 

[1] Art. L45-1 du Code des Postes et de Communications Électroniques

[2] Art. L 45-2 du Code des Postes et de Communications Électroniques