Chaque année, pendant les congés d’été, je coupe. Pas de mél, pas de coups de fil au bureau, pas de Twitter. Juste les SMS pour les urgences. Je n’ai pas manqué à cette salutaire cure de désintoxication cette année.
L’un des effets secondaires de cette coupure est une prise de perspective différente, au retour, sur certains événements. Certaines tendances qui passent inaperçues au fil de l’activité émergent clairement quand on se penche sur ce qui s’est passé pendant les trois dernières semaines. Ce qui m’a frappé cette année, c’est l’incroyable complexité et incohérence de l’Icann !
Je sais : ce n’est pas une surprise. Mais je dois dire que là, j’ai été impressionné !
Examinons un peu ce qui s’est passé en trois petites semaines, dans un contexte où, je le rappelle, la gouvernance de l’Icann fait l’objet de discussions, voire de polémiques, et où celle ci s’efforce de donner des gages de sérieux à l’occasion du retrait annoncé du département du commerce américain de la supervision de la fonction IANA.
À ce moment clé où l’Icann clame « faites-nous confiance ! », coup sur coup :
- Le conseil d’administration de l’Icann décide d’augmenter ses indemnités. Rappelons qu’en l’absence d’assemblée générale, le « Board » décide lui même de sa propre rémunération. Il était bon de le rappeler au moment où le sujet de la « redevabilité » est mis sur la table !
- La charte de fonctionnement du groupe de coordination pour la transition de la supervision de IANA est publiée le 8 août avec un appel à commentaires de la communauté pour le 15 août au plus tard ! Même si ce document, après une lecture attentive, ne semble pas poser de problème majeurs, il traite du fonctionnement d’un nouvel organe qui aura tout de même la tâche de transmettre au gouvernement américain une proposition alternative à la supervision que ce dernier exerce sur la racine de l’Internet. Une paille, ne nécessitant pas plus de 7 jours de réflexions en plein mois d’août ?
- Le 15 août, l’Icann publiait pour commentaires des propositions de révision de ses statuts touchant à ses relations avec le comité des Gouvernements : la modification introduit une supermajorité des deux tiers pour toute décision contraire à l’avis des Gouvernements. Idéal pour stimuler les craintes de mise sous tutelle gouvernementale…
- Le processus de travail sur la « redevabilité » (accountability en anglais) est aussi publié mi-août. Le graphique ci-dessous (cliquez pour plus de détails) devrait être suffisant pour vous convaincre de sa complexité. Un sujet, trois groupes, deux liaisons, environ une vingtaine de personnes dans le groupe de coordination… Et pour couronner le tout, le nom même des groupes (je vous épargne les acronymes) recoupe le nom d’autres groupes sur un sujet connexe… Au secours !
- Enfin un groupe de travail du conseil d’administration a publié des recommandations d’évolution du comité des nominations, le comité qui sélectionne certains membres de ce conseil d’administration justement. Il propose un groupe de 25 personnes environ, des systèmes de vote par délégations… Encore une usine à gaz !
Pourtant, je sais que derrière ces travaux, il y a des personnes engagées, motivées, intelligentes, et qui veulent bien faire. Mais toutes ces initiatives manquent de pilotage, d’une vue d’ensemble et de sens du timing ! Comme je le dis dans ma contribution sur le Nomcom, arrêtez tout ! Ne bougez plus ! Focalisons les énergies sur les deux sujets fondamentaux que sont la redevabilité et IANA, et économisons le reste des efforts !
Je reparlerai sans doute prochainement ici de la gouvernance de l’Icann et de sa redevabilité, car je compte m’y intéresser de près dans les mois qui viennent. C’est aussi à cela que servent les vacances : on revient avec de grandes résolutions, et l’envie d’améliorer les choses !