La loi n°2011-302 du 22 mars 2011 dispose en son article 19 que toute personne démontrant un intérêt à agir peut demander la suppression ou la transmission d’un nom de domaine entrant dans les cas prévus à l’article L.45-2 du CPCE.
Parmi les cas permettant le dépôt d’une plainte SYRELI, c’est l’article L.45-2 2° du code des postes et des communications électronique qui est le plus souvent utilisé ; il prévoit le cas d’un « nom de domaine […] susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi ».
Ainsi, depuis 2011, si 74% des décisions sont rendues sur ce fondement, seulement 3% portent sur l’atteinte à des droits de la personnalité.
Lors de l’analyse des décisions rendues par le Collège, l’on se rend compte que les Requérants arguent très peu sur l’atteinte que peut porter un nom de domaine reprenant leur nom patronymique pensant que le seul fait de détenir un nom patronymique identique ou similaire suffit à lui seul pour obtenir satisfaction.
Voyons comment le Collège SYRELI conclut, dans le cadre de l’article L.45-2 2° du CPCE, à l’atteinte à des droits de la personnalité.
En premier lieu, le Collège ne limite pas l’intérêt à agir d’un Requérant au seul fait de détenir un nom patronymique strictement identique au nom de domaine litigieux ; en effet, la notion d’intérêt à agir a également été reconnue dans le dossier pour un Requérant ayant un nom patronymique quasi-identique ou dans les dossiers et pour lesquels les Requérants avaient des noms patronymique similaires au nom de domaine litigieux ; le Collège a considéré que le Requérant avait un intérêt à agir dès lors que le nom de domaine était composé de tout ou partie du nom patronymique du Requérant associé à un terme l’identifiant (profession, date, évènement, lieu géographique etc.).
Par ailleurs, il est utile de souligner que le Requérant doit apporter la preuve de ses droits de la personnalité en communiquant des documents d’identité (ex : copie de la carte nationale d’identité) ; attention toutefois, à ne pas oublier de fournir un pouvoir de représentation lorsque le Requérant se fait représenter par une tierce personne.
Pour preuve, dans sa décision FR-2015-01042, le Collège SYRELI a rejeté la demande du Requérant, déposée par une tierce personne, après avoir constaté l’absence de pouvoir de représentation.
Il en a été de même dans la décision FR-2013-00465, où la Requérante n’a pas fourni de pouvoir de représentation à son éditeur agissant en son nom dans la procédure.
Disposer d’un nom patronymique identique, quasi-identique ou encore similaire et le démontrer ne garantit toutefois pas au Requérant l’obtention de la suppression ou de la transmission du nom de domaine.
Pour obtenir la transmission ou la suppression du nom de domaine litigieux, le Requérant devra apporter la preuve que le Titulaire du nom de domaine litigieux est « susceptible de porter atteinte à [s]es droits […] de la personnalité » et que le Titulaire « n’a aucun intérêt légitime ou agit de mauvaise foi en enregistrant ou en renouvelant le nom de domaine ».
Ainsi, le Collège a considéré, dans la décision FR-2015-01037, que « l’enregistrement du nom de domaine qui associe le nom d’une personnalité publique, sans autorisation de cette dernière, à la commercialisation de produits d’une marque concurrente à celle qui sponsorise le Requérant, pouvait être considéré comme un acte de mauvaise foi du Titulaire.».
Le Collège a également conclu au vu des pièces déposées par le Requérant, dans la décision FR-2014-00815, que le Requérant avait apporté la preuve de la mauvaise foi du Titulaire considérant que « le nom de domaine avait été enregistré dans le but de nuire à la réputation du Requérant et à sa fonction » ; à titre d’exemple, le Requérant a communiqué des justificatifs concernant sa profession et un procès-verbal d’huissier de justice constatant que le site internet vers lequel renvoyait le nom de domaine reprenait son identité, proposait des contenus portant des insinuations sur sa vie privée et présentait des liens hypertextes associés à des sous-entendus ayant pour effet de porter atteinte à son honneur et à sa fonction.
S’il y a des dossiers pour lesquels il est aisé de constater l’absence d’intérêt légitime et la mauvaise foi du Titulaire, pour certains en revanche, le Collège SYRELI a dû recourir à la méthode du faisceau d’indices.
Ainsi, dans le dossier, le Collège a accepté la demande du Requérant en s’appuyant sur le fait que ce dernier était député depuis 2002, que le site internet vers lequel renvoyait le nom de domaine présentait des activités identiques à celles du Requérant, et que ce dernier y était présenté comme éditeur et directeur de la publication. Il a également constaté que le Titulaire, inconnu à l’adresse postale indiquée dans la base Whois avait renseigné une adresse électronique appartenant à une tierce personne, ce qui empêchait de le contacter. Considérés dans leur globalité, ces indices ne pouvaient qu’entraîner une confusion dans l’esprit du citoyen.
Même approche, pour le dossier dans lequel le Requérant exerçant la profession d’avocat depuis 2008 avait été titulaire du nom de domaine de décembre 2011 à décembre 2015. Le Titulaire, au nom patronymique différent, utilisait le nom de domaine pour vendre des vêtements en ligne, service n’ayant aucun lien direct ou indirect avec la profession d’avocat, qualité pourtant mentionnée dans le nom de domaine. En outre, l’adresse qu’il avait mentionnée dans la base Whois n’était pas suffisante pour permettre de le contacter. Là encore, le collège SYRELI a conclu que le nom de domaine était susceptible d’entraîner une confusion dans l’esprit du consommateur au vu de l’ensemble de ces pièces et arguments.
Ces décisions viennent d’être confortées par la jurisprudence judiciaire et notamment par la décision du TGI de Paris, 3ème ch., 1ère sec., du 2 mars 2017 dans laquelle le tribunal a considéré que « l’association dans ce nom de domaine du prénom et du nom patronymique de la demanderesse entraîne, en raison de la reprise à l’identique de ces deux éléments et du caractère peu commun du nom en cause, un risque que madame X. soit considérée par les internautes comme étant responsable ou au moins associée aux activités commerciales conduites à partir de cette adresse, ce d’autant qu’une recherche sur les moteurs de recherche opérée à partir de son nom et de son prénom fait apparaître des liens renvoyant sur ce site aux côtés de liens la concernant personnellement.».
La preuve d’absence d’intérêt légitime ou de mauvaise foi du Titulaire est donc un élément indispensable à la charge du Requérant ; pour revenir à l’affaire, le Requérant a dû s’y reprendre à deux reprises pour obtenir la transmission du nom de domaine. Dans le premier dossier, le Requérant indiquait « que le courrier adressé au Titulaire est revenu avec la mention « Inconnu, adresse insuffisante » et que le nom de domaine est utilisé pour vendre des vêtements en ligne » mais aucune de ces affirmations n’ayant été étayées, le collège SYRELI a rendu une décision de rejet en raison de pièces insuffisantes pour permettre de rapporter la preuve de l’absence d’intérêt légitime et de la mauvaise foi du Titulaire telles que définies à l’article R. 20-44-46 du CPCE.
Cette carence se constate régulièrement puisque le Collège SYRELI s’est prononcé favorablement sur l’absence d’intérêt légitime ou la mauvaise foi du Titulaire que dans 27% des cas.
De nombreux exemples de dossiers incomplets existent : dans sa décision FR-2015-00875, le Collège SYRELI a rejeté la demande de transmission du nom de domaine considérant que la preuve de l’absence d’intérêt légitime et de la mauvaise foi du Titulaire n’était pas apportée, bien que « le Requérant exerce une activité sous son nom patronymique, il n’avait pas apporté d’élément démontrant l’existence d’une confusion à laquelle il avait intérêt à mettre fin ».
Il en a été de même dans les décisions FR-2015-00930 et FR-2016-01167 dans lesquelles le Collège SYRELI a considéré que « les pièces fournies par le Requérant étaient insuffisantes pour permettre de rapporter la preuve de l’absence d’intérêt légitime et de la mauvaise foi du Titulaire» rappelant que « le Collège statue sur la demande au vu des seules écritures et pièces déposées par les deux parties sans procéder à des recherches complémentaires ».
Force est de constater que l’obligation d’apporter la preuve de l’absence d’intérêt légitime ou de la mauvaise foi du Titulaire est dans de nombreux cas occultée par le Requérant ; ce dernier estime trop souvent que la seule titularité d’un nom patronymique ou encore le seul récit des faits reprochés au Titulaire, sans documents justificatifs, suffit à obtenir satisfaction. Si pour bon nombre de Requérants, « l’enregistrement du nom de domaine apparaît manifestement illicite », le Collège devra rendre une décision motivée et fondée sur des pièces sans qu’il puisse compléter lui-même le dossier ou faire des recherches pour motiver sa décision.