Le .RE est l’extension correspondant au territoire de la Réunion. Il a été créé le 7 avril 1997 et géré successivement par le NIC France dépendant de l’Inria, puis par l’Afnic à l’entrée en fonctions de celle-ci le 1er janvier 1998.
Nous nous attacherons ici à présenter les dynamiques actuelles du .RE, en remontant quelques années en arrière pour une mise en perspective.
Les données indiquées « 2020 » sont celles qui étaient disponibles début septembre 2020 ou qui ont été extrapolées jusqu’à la fin de l’année 2020. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme définitives.
Nombre de .RE
Le .RE compte aujourd’hui 31 000 noms. Il a connu un pic remarquable en 2016, ayant été affecté comme de nombreuses autres extensions par la vague de « domaining » qui a marqué cette année-là. Comme pour la plupart des extensions touchées par ce phénomène, l’essentiel de ces noms spéculatifs a été supprimé l’année suivante, ce qui a occasionné une perte de stock en 2017 et un retour à la tendance de fond observée depuis 2013.
En 2020, le .RE semble avoir été impacté positivement par le confinement, à l’instar de nombreuses autres extensions.
Évolution de la croissance annuelle du nombre de .RE
Le graphique présenté met en évidence l’impact très significatif de la vague de domaining sur le .RE, la croissance passant de 3 – 5 % en 2014 – 2015 à 22 % en 2016 avant de s’écrouler à -10 % en 2017. Les années 2018 et 2019 ont vu un retour aux ordres de grandeur constatés en 2014 – 2015, la performance 2020 frôlant les 15 % en trajectoire. On peut donc estimer le « gain » lié à la période de confinement et à l’accélération de la « transition numérique » à 10 points de croissance environ, soit 3 000 noms de domaine.
On constate qu’en années « normales » (2014 – 2015, 2018 – 2019) le .RE a une croissance très proche de celle du .FR. Le volume plus faible de son stock contribue à expliquer sa forte volatilité par rapport au .FR.
Évolutions des créations et suppressions du .RE
Les créations du .RE ont été orientées à la baisse en 2014 – 2017 (si l’on excepte 2016 qui était une année « anormale »). La période 2018 – 2019 fut très stable avec un niveau de créations annuelles situé aux alentours des 6 000. L’année 2020 présente naturellement un caractère exceptionnel : le différentiel de créations dues au confinement et à l’accélération de la transition numérique peut être estimé, toutes choses égales par ailleurs à environ 3 000 (+ 50 %), ce qui est cohérent avec le chiffre constaté pour le stock. On en déduit qu’en 2020 les suppressions sont restées très stables, ce qui est d’ailleurs reflété par le graphique ci-dessous.
L’évolution des suppressions est conditionnée par les variations des créations et par le « fond de stock » des noms déposés les années antérieures et non renouvelés pour une raison ou pour une autre. De là le pic de 2017, avec une variation des suppressions de 2016 à 2017 parallèle à celle qu’avaient connu les créations en 2015-2016. Ceci permet d’évaluer le nombre de suppressions de 2017 liées aux noms spéculatifs à environ 3 500 – 3 700 soit entre 95 % et 100 % des noms déposés en 2016.
Verrons-nous une telle purge en 2021 pour les noms déposés en 2020 ? Cela n’est pas certain car les noms déposés pendant le confinement et après semblent moins purement « spéculatifs » que ceux de 2016. Toutefois, la situation économique pourrait induire des faillites et des arbitrages qui se traduiront inévitablement en suppressions.
Formation du solde net du .RE
Le graphique ci-dessous montre que les variations des renouvellements sont très stables : chaque année, de 1 500 à 2 000 nouveaux noms sont renouvelés en plus par rapport à ceux de l’année précédente.
Les variations du solde net en revanche paraissent très corrélées avec celles des créations. Le .RE a donc le profil d’une extension assez « jeune », son stock n’étant pas assez grand en volume pour amortir la volatilité des créations. Ce phénomène devrait s’atténuer sur le long terme, mais il reste encore très prégnant actuellement. Les paramètres clés de l’activité du .RE reflètent bien ce contexte.
Évolutions des paramètres clés de l’activité du .RE
Les paramètres clés de l’activité d’une extension sont
- son « taux de création », c’est-à-dire le nombre de créations réalisées pendant une année donnée rapporté au stock de fin d’année ;
- son « taux de maintenance », c’est-à-dire le nombre de noms maintenus en stock au cours d’une année donnée rapporté au stock en début d’année.
Le taux de création est orienté à la baisse, passant de 34 % en 2014 à 22 % en 2019. Cette évolution est très corrélée avec l’évolution des créations dans un contexte de croissance modérée. Elle peut s’expliquer par un taux d’équipement ayant atteint un seuil où les créations sont moins dues à un « rattrapage » qu’à l’émergence de nouveaux besoins. La dynamique du .RE reste cependant assez forte, le taux de création du .FR étant par exemple de l’ordre de 19 % à 20 %. En 2020 le taux de création s’envole pour des raisons déjà évoquées, mais il est douteux que ce phénomène soit autre que ponctuel.
Le taux de renouvellement est passé de 70 % à 82 – 83 % en cinq ans. Ce phénomène reflète l’appropriation des noms de domaine en .RE par leurs titulaires et la transformation progressive d’une extension à forte volatilité (taux de création élevé, taux de conservation modéré) en une extension plus solide, ancrée dans les usages et contenant par ailleurs un certain nombre de dépôts défensifs.
Nature des titulaires
Les titulaires de noms en .RE déclarent spontanément s’ils sont des personnes physiques (auquel cas leurs données sont anonymisées par défaut dans la base Whois) ou des personnes morales.
La répartition présentée ci-dessous est donc à prendre avec précaution, dans la mesure où elle repose uniquement sur des déclarations. Nous savons par expérience qu’une partie des titulaires « Personnes physiques » sont en réalité des patrons de TPE/PME et des artisans qui utilisent leurs noms de domaine à des fins professionnelles. Cependant le nombre de .RE concernés est aujourd’hui impossible à chiffrer avec précision.
La tendance est assez « molle », avec un gain de 10 points des Personnes physiques entre 2013 et 2020. En évaluant à 5 – 10 % la proportion de .RE déposés par des titulaires « Personnes physiques » utilisant leurs noms à des fins professionnelles, nous obtenons une part de .RE déposés à des fins professionnelles située entre 65 % et 70 % en septembre 2020.
La progression des Personnes physiques (sauf en 2016, année d’anomalie) témoigne du fait que les usages évoluent autour du .RE et qu’un public toujours plus large tend à se l’approprier, même si ce phénomène est assez lent.
Évolution de la répartition géographique des titulaires de .RE
L’étude de la répartition géographique des titulaires de .RE montre que la part des noms déposés par des titulaires réunionnais a été en baisse de 2013 à 2016, avant de se stabiliser aux alentours de 55 – 60 %. Si l’on excepte 2016 (impact très visible de l’opération de domaining) nous voyons que les « lignes » restent globalement inchangées depuis 2015, avec 16 – 18 % des .RE déposés par des titulaires situés en France (et territoires ultra-marins) et 25 – 30 % des titulaires situés dans l’Union européenne hors France. Un reliquat de noms est détenu par des titulaires situés hors de l’Union européenne. Il peut s’agir de titulaires autrefois éligibles (noms déposés avant 2011) ou de titulaires inéligibles qui s’exposent à perdre leurs .RE.
Évolution du pourcentage des .RE signés en DNSSEC
Le protocole DNSSEC est destiné à prémunir les noms de domaine contre certaines formes d’attaques dont la faisabilité a été prouvée en 2008. La communauté des experts DNS et notamment les registres se sont mobilisés après cette date pour inciter les titulaires et les bureaux d’enregistrement à signer les noms de domaine en DNSSEC afin de les protéger.
Cependant l’appropriation est très lente, plus marquée sous .RE (15 % en septembre 2020) que sous .FR (12 % en septembre 2020). Elle a connu plusieurs périodes, avec une phase de développement par paliers (2013 – 2018) liés aux politiques de grands bureaux d’enregistrement décidant de signer par défaut en DNSSEC les noms qu’ils ont en gestion. Mais l’évolution de 2019 et 2020 est plus inquiétante, marquant un déclin : les bureaux d’enregistrement signant en DNSSEC sont peut-être moins actifs et leur part de marché est diluée par des concurrents qui, eux, ne « signent » pas en DNSSEC.
Évolution du pourcentage des .RE en caractères « IDN »
Les caractères « IDN » sont, sous .RE comme sous .FR, les caractères accentués présents dans les langues les plus utilisées en France.
Après une décennie d’existence de la possibilité de déposer ces noms en caractères accentués, force est de constater qu’ils représentent une fraction presque insignifiante des .RE (0,45 %) comme des .FR (0,72 %). Cette proportion a longtemps diminué avant de se stabiliser. Il est très probable que ces noms sont essentiellement défensifs, et que la fraction de noms IDN sous .RE réellement utilisés est symbolique, tout comme pour le .FR.
Évolution du pourcentage des .RE déposés ou renouvelés pour plus d’un an
Il est possible, depuis 2015, d’enregistrer et de renouveler des .FR et des .RE pour des durées allant de 1 à 10 ans. Nous nous intéressons ici à la part de noms dans chaque « stock » dont la date d’expiration était située à plus de 12 mois au 31 décembre de chaque année.
Le premier constat est que cette proportion reste faible, de l’ordre de 10 % pour le .RE au 31/12/19 contre 7 % pour le .FR.
Le ratio plus élevé en .RE qu’en .FR reflète vraisemblablement la proportion supérieure de noms défensifs sous .RE. Les titulaires de ces noms ont en effet intérêt à les déposer et à les renouveler pour des périodes longues s’ils correspondent à des marques phares, tandis que les titulaires exploitant leurs .RE dans le cadre de leur activité professionnelle font paradoxalement le choix de les renouveler chaque année, peut-être par manque de visibilité sur leur avenir.
Un autre facteur pouvant impacter ces ratios est la mise en place par certains grands bureaux d’enregistrement, pour le .FR, de systèmes de renouvellements automatiques. Ces systèmes limitent l’intérêt du dépôt ou du renouvellement en mode « multi-années » puisque n’obligeant pas au versement de plusieurs annuités d’avance. De ce fait, la proportion de titulaires optant pour le mode « multi-années » a tendance à se résorber d’année en année, et la tendance devrait se poursuivre dans ce sens.
Répartition des .RE par année de création
Une grande partie (30 %) des .RE actuellement en stock ont été créés entre 2011 et 2015, au moment de « l’ouverture » des conditions d’éligibilité de l’extension et dans les années qui ont suivi. Cette même période ne représente que 25 % des .FR actuellement en stock.
La dynamique commerciale soutenue du .RE se traduit par le fait que 56 % des noms a été déposée dans les quatre dernières années (2017 – 2020), contre 49 % pour le .FR. Le .RE n’ayant été « ouvert » qu’en 2001, les noms les plus anciens remontent à la période 2001-2005 et ne constituent que 0,9 % du portefeuille.
Taux de renouvellement par ancienneté
Le taux de renouvellement par ancienneté des .RE met en évidence le fait qu’un nom a d’autant plus de chances d’être renouvelé qu’il l’a déjà été à plusieurs reprises dans le passé.
Ainsi en 2019, lors de leur 1er renouvellement, seuls 70 % des noms ont été conservés, cette proportion passant à 77 % en 2e année, et ne cessant de croître jusqu’à atteindre ou dépasser les 90 % à partir de la 5e année.
Ce phénomène est important car il illustre l’intérêt, pour une extension, de disposer d’un socle de noms réellement utilisés et qui seront conservés par leurs titulaires pendant une longue période.
En croisant ces données avec le graphe présentant la structure des noms par ancienneté, on peut dire que les .RE antérieurs à 2016 (renouvelés pour la 5e fois en 2020) représentant 37 % du stock ont en moyenne 90 % de chances d’être renouvelés, tandis que les plus « jeunes », qui pèsent 20 % du stock, n’ont que 70 % de chances d’être renouvelés. Ceci illustre les liens étroits entre une politique commerciale « agressive » conduisant à une forte proportion de noms « jeunes », et le taux de renouvellement qui est mécaniquement impacté par la volatilité élevée de ces noms.
Taux de concentration
Le taux de concentration calculé ici est l’indice HHI (Herfindahl-Hirschmann) prenant en compte la somme des carrés des parts de marché des 10 premiers bureaux d’enregistrement.
On peut constater que le .RE est nettement plus concentré que le .FR (c’est-à-dire qu’il est plus dépendant d’un nombre relativement faible de bureaux d’enregistrement). D’après les normes de l’indice HHI, le .FR n’est pas considéré comme un « marché concentré » tandis que le .RE peut l’être, son indice étant supérieur à 20 et étant par ailleurs en progression constante depuis 2016 – 2017.
En conclusion
Le .RE est manifestement une extension dynamique, plus « jeune » et aussi plus « volatile » que le .FR. Il semble aujourd’hui majoritairement utilisé à des fins professionnelles, bien que les personnes physiques tendent à se l’approprier de plus en plus. Sans grande surprise, ses titulaires sont majoritairement situés à la Réunion, et français à un peu plus de 70 %.
Les autres paramètres étudiés montrent des différences de détail ou d’ordre de grandeur avec le .FR, mais les tendances sont identiques : pour les IDN comme pour DNSSEC, ainsi que pour les taux de renouvellement en fonction de l’ancienneté des noms du portefeuille, les situations sont proches.
Le .RE semble receler un fort potentiel, d’abord parce que le volume modéré de son stock – 30 000 noms, dont environ 20 000 déposés à des fins professionnelles – laisse penser qu’il existe encore une marge de progression importante notamment dans le contexte de l’accélération de la transition numérique. L’appropriation croissante de l’extension par les personnes physiques est elle aussi un gage de développement soutenu dans l’avenir.